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LE SUICIDE

ÉTUDE DE SOCIOLOGIE
PAR

Émile DURKHEIM

Professeur de Sociologie à la Faculté des Lettres de l'Université de
Bordeaux

PARIS
FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR

1897

PRÉFACE

Depuis quelque temps, la sociologie est à la mode. Le mot, peu connu etpresque décrié il y a une dizaine d'années, est aujourd'hui d'un usagecourant. Les vocations se multiplient et il y a dans le public comme unpréjugé favorable à la nouvelle science. On en attend beaucoup. Il fautpourtant bien avouer que les résultats obtenus ne sont pas tout à faiten rapport avec le nombre des travaux publiés ni avec l'intérêt qu'onmet à les suivre. Les progrès d'une science se reconnaissent à ce signeque les questions dont elle traite ne restent pas stationnaires. On ditqu'elle avance quand des lois sont découvertes qui, jusque-là, étaientignorées, ou, tout au moins, quand des faits nouveaux, sans imposerencore une solution qui puisse être regardée comme définitive, viennentmodifier la manière dont se posaient les problèmes. Or, il y amalheureusement une bonne raison pour que la sociologie ne nous donnepas ce spectacle; c'est que, le plus souvent, elle ne se pose pas deproblèmes déterminés. Elle n'a pas encore dépassé l'ère desconstructions et des synthèses philosophiques. Au lieu de se donner pourtâche de porter la lumière sur une portion restreinte du champ social,elle recherche de préférence les brillantes généralités où toutes lesquestions sont passées en revue, sans qu'aucune soit expressémenttraitée. Cette méthode permet bien de tromper un peu la curiosité dupublic en lui donnant, comme on dit, des clartés sur toutes sortes desujets; elle ne saurait aboutir à rien d'objectif. Ce n'est pas avec desexamens sommaires et à coup d'intuitions rapides qu'on peut arriver àdécouvrir les lois d'une réalité aussi complexe. Surtout, desgénéralisations, à la fois aussi vastes et aussi hâtives, ne sontsusceptibles d'aucune sorte de preuve. Tout ce qu'on peut faire, c'estde citer, à l'occasion, quelques exemples favorables qui illustrentl'hypothèse proposée; mais une illustration ne constitue pas unedémonstration. D'ailleurs, quand on touche à tant de choses diverses, onn'est compétent pour aucune et l'on ne peut guère employer que desrenseignements de rencontre, sans qu'on ait même les moyens d'en fairela critique. Aussi les livres de pure sociologie ne sont-ils guèreutilisables pour quiconque s'est fait une règle de n'aborder que desquestions définies; car la plupart d'entre eux ne rentrent dans aucuncadre particulier de recherches et, de plus, ils sont trop pauvres endocuments de quelque autorité.

Ceux qui croient à l'avenir de notre science doivent avoir à cœur demettre fin à cet état de choses. S'il durait, la sociologie retomberaitvite dans son ancien discrédit et, seuls, les ennemis de la raisonpourraient s'en réjouir. Car ce serait pour l'esprit humain undéplorable échec si cette partie du réel, la seule qui lui ait jusqu'àprésent résisté, la seule aussi qu'on lui dispute avec passion, venait àlui échapper, ne fût-ce que pour un temps. L'indécision des résultatsobtenus n'a rien qui doive décourager. C'est une raison pour faire denouveaux efforts, non pour abdiquer. Une science, née d'hier, a le droitd'errer et de tâtonner, pourvu qu'elle prenne conscienc

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