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JOURNAL DES GONCOURTMémoires de la Vie Littéraire

DEUXIÈME SÉRIE—TROISIÈME VOLUME—TOME SIXIÈME1878-1884

BIBLIOTHÈQUE G. CHARPENTIER ET E. FASQUELLE, ÉDITEURS,PARIS, 11, RUE DE GRENELLE.1892

PRÉFACE

Voici quarante ans, que je cherche à dire la vérité dans le roman, dansl'histoire et le reste. Cette passion malheureuse a ameuté contre mapersonne, tant de haines, de colères, et donné lieu à des interprétationssi calomnieuses de ma prose, qu'à l'heure qu'il est, où je suis vieux,maladif, désireux de la tranquillité d'esprit,—je passe la main pour ladire, cette vérité,—je passe la main aux jeunes, ayant la richesse dusang et des jarrets qui ploient encore.

Maintenant, dans un Journal, comme celui que je publie, la véritéabsolue sur les hommes et les femmes, rencontrés le long de mon existencese compose d'une vérité agréable—dont on veut bien; mais presquetoujours tempérée par une vérité désagréable—dont on ne veut absolumentpas. Eh bien, dans ce dernier volume, je vais tâcher, autant qu'il m'estpossible, de servir seulement aux gens, saisis par mes instantanés, lavérité agréable, l'autre vérité qui fera la vérité absolue, viendra vingtans après ma mort.

EDMOND DE GONCOURT.

Auteuil, décembre 1891.

Ce volume du JOURNAL DES GONCOURT est le dernier qui paraîtra de monvivant.

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ANNÉE 1878

Mardi 1er janvier 1878.—Ce jour, ce premier jour de l'an d'une nouvelleannée, se lève chez moi, comme dans une salle d'hôpital. Pélagie, lesmains et les pieds enveloppés de ouate, se traîne avec des gestes gauches,se demandant si jamais l'adresse des mouvements lui reviendra, et moi, lapoitrine déchirée par des quintes de toux qui me font vomir, je me demandesi je pourrai, ce soir, au sortir de mon lit, m'asseoir à la table defamille des Lefebvre de Béhaine.

Un coup de tonnerre singulier en Bavière. Il brûle une maison, rend folleune servante, fait marcher pendant deux jours une femme paralysée depuisdix-sept ans, refait aveugle la sœur de cette femme, qui avait recouvréla vue à la suite d'une opération de la cataracte.

* * * * *

Dimanche 6 janvier.—Aujourd'hui, le ministre de l'instruction publiquem'a fait l'honneur de m'inviter à dîner. C'est la première fois, que monindividu fait son entrée dans un ministère.

En ce temps-ci, les ministères me semblent avoir quelque chose des grandsappartements d'hôtel garni, où l'on sent que les gens passent et nedemeurent pas.

Me voilà donc dans le salon du ministère, meublé d'épouvantablesencoignures en bois de boule, de canapés et de fauteuils recouverts demoquette, imitant les tapisseries anciennes de Beauvais, de gravures de lacalcographie dans des baguettes de bois doré, sur les boiseries blanches.

Le choix des convives est tout à fait audacieux, et les mânes des ancienset raides universitaires, qui, le dos à la cheminée, se sont avancésjusqu'à ces derniers jours, vers leurs classiques invités, doiventtressaillir d'indignation

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