Louis-Frédéric Rouquette

La
Bête Errante

Roman vécu
du Grand Nord Canadien

PARIS
J. FERENCZI ET FILS, ÉDITEURS
9, rue Antoine-Chantin, 9

DU MÊME AUTEUR

CHEZ FERENCZI :

  • Le Grand Silence Blanc (1 vol.).
  • Les Oiseaux de Tempête (1 vol.).
  • Chère petite Chose (1 vol.).
  • L'Ile d'Enfer (1 vol.).
  • La Chanson du Pays (1 vol.).
  • L'Épopée Blanche (1 vol.).

IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE :
20 exemplaires sur papier pur fil
des Papeteries Lafuma
numérotés à la presse de 1 à 29

Copyright by J. FERENCZI et FILS 1923.

Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation,réservés pour tous pays.

A tous les Errants,
A tous les Chercheurs d'impossible,
j'offre ces pages
vécues sous le Cercle Polaire.

L.-F. R.

La Bête Errante

CHAPITRE PREMIER

UN BUVEUR DE LAIT CHEZ LES BUVEURSDE WHISKY

Dawson, au confluent du Yukon et de la Klondyke,à l'extrémité nord du Dominion Canadien.L'hiver qui, pour huit mois, étreint la ville, semblevouloir écraser les maisons. La rafale balaye Front-Street,faisant tourbillonner les flocons et détachantdes paquets de neige aux cornes des toits et auxcroix de Saint-André où s'accrochent les fils dutélégraphe.

Le trait qui indique la rue s'efface et les trottoirsde bois surélevés sont nivelés.

A deux cents mètres, trois carrés lumineux sedécoupent nettement sur le sol : l'Exchange, leMonte-Carlo, le Green Tree, les bars où s'assemblentles joyeux garçons.

A l'Exchange, l'accordéon gémit et le pas desdanseurs martèle le plancher ; au Monte-Carlo, unphonographe criard tourne un fox-trot ; le GreenTree est morne.

L'homme qui chemine bute au rebord du trottoir,perd l'équilibre ; les bras en avant rencontrent laporte qui cède ; il va s'étaler, de tout son long, aumilieu de la salle. Des cris partent de tous côtés.

— Pour un soleil, c'est un soleil!

By Jove! la belle entrée!

— La rampe, mon garçon!

Mais, avec l'homme, la bourrasque est venue.Une buée monte. Les voix redoublent.

— La porte, bon sang, la porte!

— On n'a pas idée, sacré ivrogne de malheur!

Une dancing-girl, croisant son châle sur sa poitrine,a repoussé le battant. L'homme se relève,confus ; d'un geste machinal, il époussète son vêtement,où la glace s'accroche en stalactites, puis ilrajuste son bonnet dont les oreillettes pendent, remonteles courroies de ses mocassins, ramasse sonsac de toile qui a roulé tout près du poêle et, sansmot dire, il s'accoude au comptoir.

Il n'a pas eu un mot d'excuses. Les Yukonersgrognent, tandis que les dés reprennent leurscourses et que les cartons frappent le bois destables.

— Pour le moins, il aurait pu demander lepardon, mâche Joe Fight, en agitant le cornet decuir où s'entrechoquent les cubes d'ivoire.

Il annonce :

— Six et trois. A vous, maître.

— Tous les as… Vous avez ma foi raison, Joe.

Une fille, qui surveille le jeu, conseille :

— Laissez donc, un ...

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