L'Illustration, No. 3269, 21 Octobre 1905


(Agrandissement)

Ce numéro contient: L'Illustration théâtrale avec le premier fasciculede Don Quichotte, par Jean Richepin.



LE PRINCE DE BULGARIE ET LE PRÉSIDENT LOUBET CHASSANT A COMPIÈGNE
Devantle «tableau» après une battue.
Voir l'article, page 26.



COURRIER DE PARIS

Journal d'une étrangère

Huit heures du soir. Boulevard de Strasbourg; à droite, à gauche, desfaçades illuminées; tout autour, un grouillement de vie joyeuse:embarras de voitures, cohue de piétons, trompes mugissantes de tramwaysdont on obstrue le chemin; et, parmi ce tumulte, en ce fouillis dechoses et de gens, deux ou trois notes amusantes qui ont, au lendemainde la «rentrée», une valeur de symbole: à côté des bourriches amonceléesd'une marchande d'huîtres, le petit fourneau noir de l'Auvergnat, toutnoir aussi, qui dispose en rond sur le feu, à la clarté d'un bec de gaz,les premiers marrons de l'année. Plus loin, sur la chaussée, la voitureà bras, pleine d'oranges, où deux lanternes vénitiennes répandent leurlumière de fête; et, devant le théâtre Antoine--où les affiches ontl'air de crier aux passants, joyeusement, la dernière victoire deGandillot--une file de voitures, d'automobiles aux portières desquelleson voit se ruer, casquettes à la main, l'ordinaire troupe des pauvresdiables, des chasseurs de pièces de deux sous. Marchand de marrons,marchande d'huîtres, marchande d'oranges, ouvreur de portières: et voilàle décor de l'hiver parisien reconstitué pour neuf mois. D'où viennentces gens? Que faisaient-ils aux temps chauds? comme dit le fabuliste. Onne sait pas. Ils exerçaient, en attendant l'hiver, de petits métiersvagues; ils guettaient l'heure où Paris, réveillé d'une léthargie de dixsemaines, allait recommencer à vivre, à vouloir pleurer et rire sous deslustres électriques, devant des paysages de carton; et les revoici tous,immuablement fidèles au rendez-vous d'octobre, installés, comme de bonssoldats, aux postes de l'année dernière, où nous les retrouverons l'anprochain. J'admire cette solidarité mystérieuse qui unit, comme à leurinsu, les pauvres hommes, et grâce à quoi--l'automne à peine revenu--jeme sens assurée d'y revivre à ma guise toutes les petites joies desautomnes passés...

Le théâtre surtout nous les prodigue, ces joies-là. Où aller? La grandeécluse s'est ouverte et voilà le torrent lâché: au théâtreSarah-Bernhardt, à l'Oeuvre, à l'Odéon, à la Comédie-Française, auPalais-Royal, aux Variétés, les titres de six pièces nouvelles mesollicitent en même temps; c'était hier le tour des Nouveautés; ce seratout à l'heure celui du Gymnase; d'autres leur succéderont et deux outrois fois par semaine (ou davantage), pendant la saison qui va venir,mon journal me servira tout chaud le récit de ces aventures diverses; enune ou plusieurs colonnes, il me racontera la pièce d'hier, lacommentera, n'omettra aucun nom de la liste de ceux qui l'interprètent,ne voudra pas me faire grâce d'un détail de mise en scène ou de costume.Si l'auteur est un favori du public, ou si quelque prestige s'attache àsa signature, l'article où sa pièce doit m'être copieusement contée seraprécé

...

BU KİTABI OKUMAK İÇİN ÜYE OLUN VEYA GİRİŞ YAPIN!


Sitemize Üyelik ÜCRETSİZDİR!