Mme de STAËL

DE
L’Allemagne

TOME SECOND

PARIS
ERNEST FLAMMARION, ÉDITEUR
26, RUE RACINE, 26

Tous droits réservés

7006-11-11. PARIS. — IMP. HEMMERLÉ ET Cie.

DE L’ALLEMAGNE

SUITE DE LA SECONDE PARTIE

CHAPITRE XXIV
Luther, Attila, les Fils de la Vallée, la Croix sur la Baltique,le Vingt-quatre Février, par Werner.

Depuis que Schiller est mort, et que Gœthe ne composeplus pour le théâtre, le premier des écrivains dramatiquesde l’Allemagne, c’est Werner : personne n’a su mieux quelui répandre sur les tragédies le charme et la dignité de lapoésie lyrique, néanmoins ce qui le rend si admirablecomme poète nuit à ses succès sur la scène. Ses pièces,d’une rare beauté, si l’on y cherche seulement des chants,des odes, des pensées religieuses et philosophiques, sontextrêmement attaquables quand on les juge comme desdrames qui peuvent être représentés. Ce n’est pas que Wernern’ait du talent pour le théâtre, et qu’il n’en connaissemême les effets beaucoup mieux que la plupart des écrivainsallemands ; mais on dirait qu’il veut propager un systèmemystique de religion et d’amour, à l’aide de l’art dramatique,et que ses tragédies sont le moyen dont il se sert,plutôt que le but qu’il se propose.

Luther, quoique composé toujours avec cette intentionsecrète, a eu le plus grand succès sur le théâtre de Berlin.La réformation est un événement d’une haute importancepour le monde, et particulièrement pour l’Allemagne, quien a été le berceau. L’audace et l’héroïsme réfléchi du caractèrede Luther font une vive impression, surtout dans lepays où la pensée remplit à elle seule toute l’existence :nul sujet ne pouvait donc exciter davantage l’attention desAllemands.

Tout ce qui concerne l’effet des nouvelles opinions sur lesesprits est extrêmement bien peint dans la pièce de Werner.La scène s’ouvre dans les mines de Saxe, non loin de Wittemberg,où demeurait Luther : le chant des mineurs captivel’imagination ; le refrain de ces chants est toujours unappel à la terre extérieure, à l’air libre, au soleil. Ces hommesvulgaires, déjà saisis par la doctrine de Luther, s’entretiennentde lui et de la réformation ; et, dans leurs souterrainsobscurs, ils s’occupent de la liberté de conscience,de l’examen de la vérité, enfin, de cet autre jour, decette autre lumière qui doit pénétrer dans les ténèbres del’ignorance.

Dans le second acte, les agents de l’électeur de Saxe viennentouvrir la porte des couvents aux religieuses. Cettescène, qui pouvait être comique, est traitée avec une solennitétouchante. Werner comprend avec son âme tous lescultes chrétiens ; et s’il conçoit bien la noble simplicité duprotestantisme, il sait aussi ce que les vœux au pied de lacroix ont de sévère et de sacré. L’abbesse du couvent, endéposant le voile qui a couvert ses cheveux noirs dans sajeunesse, et qui cache maintenant ses cheveux blanchis,éprouve un sentiment d’effroi, touchant et naturel ; et desvers harmonieux et purs comme la solitude religieuseexpriment son attendrissement. Parmi ces religieuses, il ya la femme qui doit s’unir à Luther, et c’est dans ce momentla plus opposée de toutes à son influence.

Au nombre des beautés de cet acte, il faut compter leportrait de Charles-Quint, de ce souverain dont l’âme s’estlassée de l’Empire du monde. Un gentilhomme saxon attachéà son service s’exprime ainsi sur lui : « Cet hommegigantesque, dit-il, ne recèle point de cœur dans sa t

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