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======================================================================= ÉDITION DU «MONDE ILLUSTRÉ» 13, QUAI VOLTAIRE, 13. PARIS

MAURICE LEVEL

Les Portes De l'Enfer

1910

  DU MÊME AUTEUR:
  L'Épouvante (Roman) 1 vol.
  L'Ombre (Roman) 1 vol.

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MAURICE LEVEL

LES PORTES DE L'ENFER

Sous la lumière rouge

Assis dans un large fauteuil près de la cheminée, les coudes aux genoux,les mains tendues au feu, il parlait d'une voix lente, s'arrêtantbrusquement pour murmurer: «Oui… oui…», comme s'il avait eu besoinde reconnaître ses souvenirs et d'approuver sa mémoire fatiguée, puisreprenait la phrase interrompue.

Sur la table traînaient des papiers, des chiffons, des livres. La lampeéclairait mal; je ne voyais de lui que sa face un peu grise, et sesmains qui, sous la flamme du foyer, faisaient deux longues taches.

Le ronron du chat roulé devant le feu, et le crépitement des bûches oùdansaient d'étranges lueurs, troublaient seuls le silence. Il semblaitparler de très loin, comme dans un rêve:

—Oui… oui… Ce fut le grand, le plus grand malheur de ma vie.J'aurais pu supporter d'être réduit à la misère, de devenir infirme…tout… mais ça! Avoir vécu dix ans auprès d'une femme adorée, la voirdisparaître, et rester seul, tout seul, devant l'avenir solitaire…C'est dur!… Il y aura six mois bientôt qu'elle est partie!… Quec'est long! et comme c'était court autrefois!… Encore, si je l'avaiseue malade quelque temps, si l'on m'avait laissé comprendre!… C'esthorrible à dire, mais quand on sait, n'est-ce pas, la raison seprépare… le coeur se vide peu à peu, et l'on s'habitue… tandis quelà!…

—Je croyais, lui dis-je, qu'elle avait été souffrante quelque temps?

Il hocha la tête:

—Du tout, du tout… Jamais les médecins ne purent me dire ce qu'elleavait eu… Elle a été emportée en deux jours. Depuis, je ne sais nicomment, ni pourquoi je vis. Tout le jour, je rôde dans les chambres,poursuivant un souvenir qui s'enfuit, m'imaginant qu'elle vam'apparaître derrière une tenture, qu'un peu de son odeur flotte encoreparmi ces pièces inhabitées…

Il étendit la main vers la table:

—Hier, tiens, j'ai retrouvé cela… cette voilette, dans une de mespoches. Elle me l'avait confiée un soir, nous allions au théâtre, etil me semble qu'elle sent son parfum, qu'elle est encore tiède d'avoireffleuré son visage… Mais non! Tout s'en va: seul le chagrindemeure… Il y a bien quelque chose, mais ça!…

Dans le premier moment de douleur, il vous vient parfois des idéesextraordinaires… Croirais-tu que je l'ai photographiée sur son litde mort! Dans cette pauvre chambre d'où son âme venait de partir,j'ai installé mon appareil, j'ai allumé du magnésium; enfin, àcette effroyable minute, j'ai fait avec un soin et des précautionsméticuleuses, des choses qui me révoltent aujourd'hui… Malgré tout,quand j'y pense, je me dis qu'elle est là, que je pourrais la voir telleque je la vis pour la dernière fois!

—Et, où as-tu ce portrait? demandai-je.

Il s'avança un peu, et me répondit à mi-voix:

—Je ne l'ai pas, ou plutôt, si

...

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